La Grande Marche du Retour, vers une nouvelle Intifada ?


La population palestinienne de l’enclave de Gaza a entamé le vendredi 30 mars 2018 un cycle de manifestations pacifiques qui culminera le 15 mai. Le 30 mars, les Palestiniens célèbrent le Jour de la Terre et la mort de 6 arabes, tués le 30 mars 1976, lors de protestations contre l’expropriation des terres. Le 15 mai est, dans l’esprit de tous les Palestiniens, le 70ème anniversaire de la Nakba, la Catastrophe, qui en 1948 expulsa la population palestinienne de ce qui est maintenant Israël et en fit des réfugiés, apatrides. Ce jour marquera aussi le début du Ramadan, et, pour ajouter au mécontentement de la population arabe, interviendra le lendemain du déplacement programmé de l’ambassade américaine à Jérusalem. Les Gazaouis se soulèvent pour protester contre le blocus, qui dure depuis maintenant 11 ans, de leur territoire. Mais plus encore, ils revendiquent le droit au retour, c’est-à-dire retrouver leurs terres et leurs maisons.

Un activiste des réseaux sociaux, politiquement indépendant, Ahmed Abu Artema, a eu l’idée d’installer des campements en différents points non loin de la frontière. Dans son esprit, la manifestation devait prendre une atmosphère festive, où les familles viennent avec leurs enfants. Les campements ont été installés avec au premier plan les tentes pour les familles et les lieux de prière, le terrain de football, des marchands déambulant à travers l’ensemble et vendant boissons et nourriture. Au second plan, les tentes de premiers secours, les ambulances, et au dernier plan l’hôpital de campagne.

Les Palestiniens se sont rassemblés près de la frontière, familles, enfants, jeunes, vieux, femmes et hommes. L’armée israélienne était déjà en place de l’autre côté, surplombant les débats, avec snipers et tanks à l’appui. Les manifestants ont empilé des pneus qu’ils ont ensuite brûlé pour créer un grand nuage de fumée noire, empêchant l’armée israélienne de voir la foule. La majorité des participants est restée à distance raisonnable de la frontière, chantant, criant des slogans, agitant le drapeau national, applaudissant le reste des protestataires. Une petite minorité, par contre, a lancé des pierres en direction de l’armée, quelques cocktails Molotov, et s’est approchée de la frontière. Néanmoins, c’était un rassemblement on ne peut plus pacifique, contrairement à ce qu’ont laissé entendre les autorités israéliennes.



Seulement, la manifestation n’a pas été interprétée de la même manière du côté israélien. Avant même ses débuts, le Ministère de la Défense a doublé les forces le long de la frontière avec Gaza. L’enjeu majeur pour l’Etat hébreu est que les Gazaouis ne s’approchent, ne touchent ni n’endommagent la frontière. Ce qui signifie que les soldats, pour la protéger, ont reçu le droit d’abattre toute personne qui en serait trop près, armée ou non, même si elle était inoffensive. Or, il est illégal de tirer pour tuer lorsqu’il n’y a pas de danger imminent. Au 13 avril, le nombre de victimes s’élève à 35 et plus de 3000 personnes ont été blessées par balles, à cause du gaz lacrymogène ou par balles en caoutchouc.

Avant même le début des protestations, Israël avait accusé le Hamas d’encourager les éclats de violence. Par ailleurs, Avigdor Lieberman, le ministre de la Défense, a tweeté : « The Hamas leadership is risking your lives. I advise you to get on with your normal everyday lives and not to participate in the provocation. » L’objectif du cycle de manifestations, le 15 mai, est pour bon nombre de Palestiniens de traverser la frontière et d’entrer en Israël, ce qui est considéré comme un scénario catastrophe par les politiques israéliens. Dans leur rhétorique, le droit au retour aboutirait à une destruction pure et simple de l’Etat hébreu. C’est pourquoi ils comptent sur la frontière, équipée de technologies dernier cri pour faire écran. Cependant, ils justifient l’injustifiable (la mort de citoyens palestiniens) en invoquant la défense du territoire et en soutenant ses soldats qui ont soi-disant empêché un bain de sang si davantage avaient tenté de traverser. La position d’Israël n’est pas défendable. Le monde entier a été témoin de manifestations pacifiques auxquelles Israël a répondu par un usage disproportionné de la force, en autorisant son armée à tirer à balles réelles sur la foule.   


A tel point que certains observateurs et au premier plan le Hamas lui-même, ont comparé la Grande Marche du Retour aux actions non-violentes dans les USA des années 1960, sous le leadership de Martin Luther King, pour l’obtention des droits civiques et du droit de vote. Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, s’est immédiatement emparé de l’idée des manifestations pour la faire sienne et a poussé la population à participer en masse. L’organisation politique a promis de rester pacifique, dans son soutien aux manifestants, mais que dans le cas où la population n’obtiendrait pas gain de cause, elle s’en remettrait à l’usage de la force et des armes. Or, ce discours séduisant n’a pas trompé la plupart des observateurs, qui ne pensent pas que le Hamas est en train d’effectuer un changement de cap dans ses méthodes ou sa stratégie. Néanmoins, les protestations pourraient l’encourager à adopter davantage la résistance populaire dans ses actions. Les Gazaouis, qui sont toujours en train de se remettre des guerres de 2012 et 2014, n’ont aucune envie ni intérêt à s’engager dans un nouveau conflit avec son voisin. Parmi la population, certains vont même jusqu’à accuser le Hamas de servir ses propres intérêts au détriment de ceux du peuple et d’utiliser la jeunesse comme bouclier humain. Le souhait d’Ahmed Abu Artema était que cette puissante marche, démonstration pacifique, ne soit exploitée par aucun parti politique, qu’elle déclenche une prise de conscience en Occident, sur le sort qui est réservé aux habitants de la bande de Gaza et des Palestiniens en général.



Lonely Bedouin of the Desert



Sources:





Version anglaise :


The Great Return March, heading toward another Intifada ?



The Palestinian population of the Gaza Strip has begun on Friday the 30th of March a cycle of peaceful protests, which will peak on the 15th of May. On March 30th, Palestinians celebrated Land Day and commemorating the death of 6 Arabs killed on March 30th, 1976, during protests over land expropriation. The 15th of May is in every Palestinian’s mind the 70th anniversary of the Nakba, the Catastrophe, which expelled the Palestinian population from what is now Israel in 1948 and made them refugees and stateless. This day will also mark the beginning of Ramadan and last but not least, to add to the ongoing anger, will take place a day after the expected move of the American embassy to Jerusalem. The Gazans are rising against the 11-year blockade of Gaza. But beyond that, they’re claiming the right to return to their homes.

The idea to settle camps near the border came from a social-media activist, Ahmed Abu Artema, politically independent. In his mind, it was meant to be held in a festival-like atmosphere, with families coming along with children. At the forefront there are tents for families and praying areas, the soccer field, people wandering, selling food and drinks. Behind, tents dedicated to first aid, ambulances and farther away, the field hospital.

Palestinians gathered near the border, families, kids, youngsters, elders, men and women. The Israeli army was already there, watching from above, snipers and tanks in support of the soldiers. Protesters piled up tires they burnt to create a thick black cloud to prevent soldiers from seeing the crowd. Most of them remained quite far from the fence, chanting, shouting slogans, waving the national flag, cheering at the rest of the crowd. A minority, though, threw stones at the soldiers, a few Molotov cocktails and came closer to the border. Nonetheless, it was clearly a peaceful protest, as opposed to what the Israelis implied.

However, things were interpreted differently on the Israeli side. Before it even began, the Ministry of Defence had doubled forces at the border. What’s at stake for the Jewish State is not to let Gazans approach, touch nor damage the fence. So, it means that soldiers have received the right to shoot anyone who is too close, even unarmed or harmless. But it is illegal to shoot to kill unless life is threatened. By the 13th of April, 35 persons had been killed and more than 3000 injured due to live fire gas inhalation or rubber bullets.

It hadn’t yet begun that Israel was already blaming Hamas for eruptions of violence. Besides, Avigdor Lieberman, the Defence Minister, tweeted, “The Hamas leadership is risking your lives. I advise you to get on with your normal everyday lives and not to participate in the provocation.” The main goal of the protests for Palestinians is to cross the border en masse on the 15th of May and to enter Israel. The situation would be a nightmare scenario for Israel. For top politicians, a right of return would amount to the simple destruction of the country. That’s why they’re relying on the high-tech fence like a shield. Nevertheless, they’re justifying what cannot be excused (the death of Palestinian citizens) by invoking the territory’s defence and by supporting their soldiers who prevented a so-called blood bath if more had tried to cross. Israel’s stance indefensible. The whole world witnessed peaceful protests that were met with disproportionate use of force, Israel allowing its army to shoot live fire at the crowd.

Some observers, and Hamas itself, compared the Great Return March to non-violent actions used by Martin Luther King’s movement during the 60’s in the USA, for Civil Rights. Hamas, who’s controlling the Gaza Strip, has immediately made the idea to camp and protest its own catchword and urged the population to participate. The political movement has vowed to be civilized in supporting the demonstrations but that if the people do not get what they seek, it will go back to deadly weapons. Few observers believe Hamas is making any change in strategy and methods. However, protests might encourage it to open up to popular resistance. Gazans, who are still recovering from the wars of 2012 and 2014, have neither the desire, nor interest whatsoever, in waging another conflict with their neighbour. Some among the population go as far as to blame Hamas for serving its own interests instead of the people’s and to use young people as human shields. Ahmed Abu Artema wished that this powerful march wouldn’t be exploited by any political party and that it would raise awareness in the West, regarding how Gazans and Palestinians in general are being left to their fate.

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