Ibrahim Maalouf, Trompettiste Majeur
Ibrahim Maalouf. Un
père, Nassim, trompettiste lui aussi, inventa une trompette à
quatre pistons, capable de jouer les quarts de ton et ainsi toutes
les sonorités arabes. Un oncle Amin, écrivain académicien
explorait les profondeurs de l'Orient. Une famille d'intellectuels
libanais. Il naît en 1980, au beau milieu d'un Liban en feu, ravagé
par la guerre civile. Puis une enfance en France, entre banlieue
parisienne, maîtrise innée de l'instrument dès le plus jeune âge
et cours au Conservatoire National Supérieur de Paris avec Maurice
André. Mais aussi l'éducation musicale stricte de son père, qui
l'aurait presque détourné de ce si bel instrument.
Son éducation musicale
et ses racines lui ont permis de maîtriser très jeune des styles
très variés : classique, arabe, baroque, jazz … Il
entretient des rapports contradictoires avec la trompette, parfois
s'en éloignant pour explorer d'autres contrées, parfois faisant
corps avec dans son œuvre, réinventant ainsi complètement son
utilisation dans la musique moderne. Ses trois premiers disques,
Diasporas (2007), Diachronism (2009) et Diagnostic
(2011) sont une trilogie, un voyage, un passage entre Orient et
Occident, d'une intelligence subtile et discrète. C'est un artiste
qui construit sa musique autour de la trompette, comme un orchestre,
avec les cordes, les guitares, le piano … qui vont et qui viennent
au rythme des genres.
Ses propres compositions
ont gagné la reconnaissance qu'elles méritaient mais il excelle
aussi dans l'art de produire pour les autres, ce qui passe le plus
souvent inaperçu en dehors du monde de la musique. S'il s'était vu
architecte reconstruisant le Liban ou ingénieur, il se voyait tout
aussi bien compositeur et producteur, en amoureux de l'écriture
musicale qu'il est. Composer pour le cinéma est un rêve qui l'a
toujours fasciné, puis est devenu réalité. D'abord pour Yves
Saint Laurent de Jalil Lespert, puis pour La Vache de
Mohamed Hamidi et pour Dans les Forêts de Sibérie, qui lui
a obtenu le César de la Musique Originale en 2017.
Maalouf est un caméléon
musical jonglant avec les genres, s'essayant à de nouvelles
expériences, comme en témoigne le grand nombre de ses
collaborations avec des artistes renommés. Il adapte en 2014, avec
Oxmo Puccino dans le rôle de conteur, Alice au Pays des
Merveilles en musique, travaille avec Matthieu Chédid, Grand
Corps Malade, Juliette Gréco et Salif Keita pour ne citer qu'eux. Il
est aussi à l'aise avec ses propres compositions qu'avec les
chansons des autres et fait preuve d'une folle capacité de reprise
et de réincarnation de celles-ci. Jetez un œil à la reprise de
Dalida, Paroles, Paroles, interprétée par M et Monica
Bellucci.
Maalouf est un homme à
part dans le champ de la musique française. En un peu plus de dix
ans, il a su remettre au goût du jour le jazz, ce style délaissé
par le public et seulement prisé des fins connaisseurs. Son amour de
la scène grandit en même temps que sa communauté de fans. Il part
en tournée dans toute la France et à l'étranger, écume les
festivals l'été et remplit les plus grandes salles de France.
Depuis Miles Davis en 1984, il est le seul à avoir rempli Bercy
(20.000 personnes), performance majuscule pour un artiste de jazz.
Mais Ibrahim ne fait les choses comme personne, n'est jamais rassasié
mais préfère prendre son temps. Il a tout planifié, il ne manque
plus que l'exécution. Le 5 novembre 2020, le jour de ses 40 ans, il
rangera sa trompette. Pour combien de temps, cela reste encore un
mystère.
Entouré majoritairement
d'hommes, Ibrahim Maalouf rend hommage aux femmes, dans deux de ses
albums. A Oum Kalthoum d'abord, mère d'un peuple, féministe avant
le féminisme, bravant les interdits pour chanter dans les cabarets.
Il chante dans Kalthoum (2015) l'univers déchu et passé d'un
monde arabe uni, qu'il n'a pas connu. Icône de la musique et du
monde arabes à elle seule, Maalouf en est plus qu'admiratif. Rejouer
ces airs si connus tels que Alf Leila Wa Leila 50 ans plus
tard est pour lui un privilège. Il rend ensuite hommage à la femme
d'aujourd'hui, incarnée par Beyoncé, féministe du présent. Il
reprend d'ailleurs dans l'album Red & Black Light (2015)
un de ses titres, Run The World (Girls).
PS, courrez écouter
Beirut,
chef d'œuvre de 11 minutes, certes, mais qui vous transporte au
loin !
Lonely Bedouin of the Desert
Sources :
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