On a visité pour vous... La biennale des photographes du Monde Arabe contemporain
Article de Claire Trentalaud
Nous vous en parlions dans la
revue de presse de décembre, la première biennale des photographes du Monde
Arabe contemporain s’est achevée ce 17 janvier.
Nous avons eu l’occasion de
visiter l’exposition présentée, à cette occasion, à l’Institut du Monde Arabe à
Paris. Une exposition qui se déclinait en quatre thèmes : paysages, mondes
intérieurs, culture et identité et printemps.
Parmi les clichés marquants,
certains traitent de sujets lourds, bien sûr. Ainsi Myriam Abdelaziz nous
plonge, à travers ses photographies de 2014, dans « L’enfer blanc des enfants
de Menya ». Enfer blanc des carrières de calcaire dans lesquelles les enfants
travaillent six jours par semaine pour 10$ la journée. Myriam Abdelaziz voulait
originellement rencontrer les femmes de la ville de Menya, en Egypte. C’est
alors qu’elle entend parler, en 2013 des conditions de travail de ces enfants
et réalise l’année suivante la série de clichés présentés lors de la biennale.
Le thème du déplacement et de
l’exil est abordé, lui aussi par plusieurs photographes. Giulio Rimondi photographie
en 2013 et 2014 les «intérieurs provisoires » des réfugiés syriens au Liban.
Intérieurs supposés provisoires pour être exact. Car les situations de transit
durent souvent plus qu’espéré et chacun tente d’aménager au mieux ces «
intérieurs ». Samuel Gratacap a quant à lui photographié des situations de
transit encore plus précairse et où les migrants ont peu le loisir de tenter de
personnaliser leur lieu de vie, ou plus exactement d’attente. En 2014 et 2015
il réalise un photoreportage intitulé « Les naufragés », portraits de migrants
détenus à la prison de Zaouia, en Lybie. Et si les photos parlent
d’elles-mêmes, les légendes appuient encore la détresse des détenus. L’une
d’elle nous précise par exemple que les serviettes de toilettes, loin de
l’usage habituel, ne sont qu’un accessoire supplémentaire contre le froid. On
peut également noter le choix du lieu d’exposition, sur le patio de l’Institut
du Monde Arabe. Quatre grands murs vous entourent, sur lesquels les photos sont
affichées en grandes dimensions.
Mais heureusement, et c’est là
son intelligence, cette exposition est aussi porteuse d’espoir et remplie de
regard inédit sur le Monde Arabe. Yazan Khalili photographie la Palestine en
2010. De sa série de clichés « Landscape of darkness » il dit que le but était
de changer l’idée que « l’appareil photo de l’oppressé est l’extension de son
œil, l’appareil de l’oppresseur est l’extension de son esprit ». En Palestine,
toujours, Amélie Debray choisit de photographier, en 2011, les supportrices de
l’équipe de foot de Ramallah. Des photos loin de celles auxquelles nous sommes
habitués dans l’actualité, où mur de séparation et scènes de violences
prédominent. Des scènes de vie quotidienne dans lesquelles peuvent se
reconnaître bien des jeunes (et moins jeunes) à travers le monde. Montrer,
somme toute, qu’en Palestine comme ailleurs, le foot fédère et suscite les
passions.
Enfin, la création d’Anne-Marie
Filaire s’inscrit dans une démarche particulière. Elle a photographié les
portes de chambres d’étudiantes aux Emirat Arabes Unis, avant de laisser à
celles-ci la possibilité de s’exprimer sur la photo imprimée (l’université est
l’une des plus conservatrices du Golfe, les portes sont rarement personnalisées).
Si l’une d’elle a collé le portrait de Yasser Arafat, ce sont les groupes de
musique favoris et les messages de paix qui dominent. Chanteur fétiche et peace
and love, on pourrait se trouver n’importe où.
Alternant sujets graves et
raisonnants dans l’actualité, mais aussi tableau d’une jeunesse qui, partout
dans le monde, a des centres d’intérêt communs et des ambitions communes, cette
exposition a réussi le pari de présenter des regards originaux sur le Monde
Arabe.
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