L'arabe du futur, Tomes 1 et 2
Par Emma Boissier
L’Arabe du Futur, écrit et
dessiné par Riad Sattouff a été récompensé au Festival d'Angoulême pour le prix
de la meilleure bande dessinée. Cette histoire qui se raconte sur deux tomes –
voire un dernier à paraître dans le courant de l'année – est en fait une
autobiographie qui dévoile l'enfance de l'auteur en Syrie et Libye. Riad, jeune
garçon de 5 ans, cheveux longs couleur or, déménage en Libye avec ses deux
parents, un père maître d'université et une maman bretonne. Il découvre, et
nous aussi, à travers son regard enfantin, crédule et spontané la vie libyenne.
Les pénuries de nourriture, la violence des enfants, la propagande
présidentielle, tous ces aspects sont exposés sous forme de détails, d'arrière
plan, et c'est d'autant plus marquant qu'ils en deviennent ordinaires. Les
changements de lieux sont mis en opposition grâce aux traits du dessinateur, la
Bretagne, symbole de la vie occidentale ainsi qu'endroit où habitent ses grand
parents maternels en bleu, et la Libye, là où les maisons appartiennent à tout
le monde, où l'on cueille des « toutes » aux arbres en jaune, et
enfin la Syrie, pays aux diverses légendes, dont les murs sont couverts de
photos du président. C'est aussi l'opposition entre sa mère, une femme aux
cheveux longs, qui ne porte pas le voile, et les vieilles femmes des familles
locales, symbole d'autorité et de respect. C'est donc à travers le regard mais
aussi l'imaginaire de ce petit garçon que l'on découvre le monde qui l'entoure,
un monde dans lequel il se fait insulter de « juif » par ses cousins,
est terrorisé à l'idée d'aller à l'école, ne comprend pas pourquoi on tue les
moineaux, et est fasciné par la taille de la langue de sa grand mère. Mais
l'auteur donne aussi toute leur importance aux personnages secondaires, qui
sont souvent bien plus révélateurs des enjeux et mœurs de l'époque. La
maitresse, voilée mais qui porte une mini jupe, d'une brutalité effrayante,
faisant réciter les versets du Coran chaque jour, le général et sa femme qui
affichent leur richesse aux yeux de tout le monde, avec des rêves
d'occidentaux, mais aussi la dure réalité avec le médecin qui dénonce le manque
de soins et d'aide, les femmes accusées d'adultère tuées en silence, oubliées
au profit des intérêts familiaux des grandes familles.
Au delà de tout récit, on
retrouve bien le contexte que l'on connait à cette époque. Le père est un
fervent pionnier du panarabisme, et le conflit israelo arabe dépeint à travers
le comportement des enfants, les cousins de Riad qui l'accusent de
« juif » avant de le frapper, et qui jouent à la guerre avec des
soldats, combattant toujours les « yahoudi »
Deux albums, pour les jeunes
aussi bien que les grands, qui y verront ce qu'ils voudront. Un récit qui fait
réfléchir, même raconté par un enfant de 5 ans.
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