Much Loved

Article d'Emma Boissier 

Le film Much Loved réalisé par Nabil Ayouch est sorti le 16 septembre 2015 dans les salles. L'histoire se déroule à Marrakech. Noha, Randa, Soukaina, trois jeunes femmes aux âges différents vivent ensemble. Leur seul point commun ? Leur « travail » de nuit. Elles se rendent dans les soirées données par les grands émirats, chez qui elles passeront la nuit. La rengaine est la même à chaque fois. Il faut se montrer la plus séduisante, la plus désirable. Noha, la plus âgée, s'est résignée à cette activité, qui lui permet de nourrir ses deux enfants ; mais elle doit faire face aux doutes et prise de conscience des deux plus jeunes. Leurs journées sont au rythme de leurs nuits interminables, elles vont chez le coiffeur, choisissent leur prochaine robe... Chacune d'entre elle est rongée par ses petits – ou gros – soucis, Noha, répudiée par sa propre mère qui ne supporte plus les bruits qui courent au village concernant son « activité », Randa qui rêve d'aller retrouver son père en Espagne et se bat contre l'administration pour y arriver.
Noha est perçue par les deux plus jeunes tantôt comme leur protectrice, tantôt comme leur mère , elle qui n'hésite pas à venger Soukaina lorsqu'elle sera battue par l'un de ses clients. Ses femmes pourtant si jeunes doivent faire face à une réalité qui parfois les dépasse, une sexualité différente, une police qui viole, des hommes beaux-parleurs … Ce paradoxe frappant – certains le jugeront prévisible- entre la naïveté de ces femmes, qui portent des pyjamas roses et adorent les danse de Bollywood, et qui d'un autre côté vendent leur corps chaque nuit, fait d'elles des personnages passionnants. L'arrivée d'une nouvelle, Hilma, renforcera les liens entres ces femmes, pour en faire des amies au quotidien identique. Le réalisateur prend pour paysage un Marrakech à deux facettes, à la fois traditionnel , avec cette vie bouillonnante, et à la fois une ville nocturne où l'argent et le sexe coulent à flots. C'est sans oublier le personnage attachant mais tout aussi intriguant de Said, dont on ne peut définir le rôle, parfois chauffeur, parfois « père », qui les accompagnent dans leur quotidien. De nombreux moments filmés, avec pour unique son la bande originale du film – magnifique – qui ne fait que rendre plus évident les aspirations et rêves de ces femmes.
Ce film fut interdit de diffusion au Maroc, pour avoir, selon le ministère de la communication, comporté un « outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine ». Même s'il est vrai que le film parle d'un fait social relativement marginal, il est le quotidien de beaucoup de femmes marocaines, et si ce n'est pas au cinéma de mettre ça en lumière, alors à qui est-ce de le faire ?
Même s'il vous laissera un goût âpre dans la bouche et peut-être une envie de tout changer, il vaut la peine d'être vu.

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